Ses spécificités, sa temporalité, les acteurs et leurs rôles : l’orthophoniste et les interlocuteurs

Spécificités

Par le passé, différents moyens de communication alternatifs ont été proposés aux patients aphasiques afin de stimuler leur compétence communicationnelle.

Cependant, compte-tenu des difficultés déjà présentes dans leur propre langue, des études démontrent que les moyens nécessitant l’apprentissage d’un nouveau code sont rarement investis (signes de LSF ou symboles notamment)par les patients et par leurs familles.

Par ailleurs, l’accès au langage écrit étant fréquemment perturbé en cas d’aphasie, le choix d’un code alphabétique semble lui aussi peu pertinent. Le code alternatif de communication doit donc être le plus transparent possible, en permettant un accès au sens immédiat (Gonzalez & Brun, 2007).

Les photos, les images et les pictogrammes très explicites sont donc à favoriser pour la communication alternative des sujets aphasiques.

D’autre part, Gonzalez et Brun (2007) nous mettent en garde sur la nécessité de proposer un support de communication adapté au patient aphasique, et non pas de chercher à adapter le patient au support. L’outil de CAA est donc créé sur mesure : son contenu est personnalisable et évolutif, en fonction des besoins et des intérêts de la personne aphasique.

Quand agir ?

Rétablir une communication la plus fonctionnelle possible est une urgence (Gonzalez et al., 2014) à envisager dès la période d’hospitalisation. Toute tentative de communication est à encourager afin que la personne aphasique puisse maintenir le lien avec son entourage et l’environnement. En effet, attendre que le sujet aphasique échoue maintes et maintes fois à comprendre et à se faire comprendre ne mènera qu’au cercle vicieux de l’isolement et de la dépression engendré par les troubles communicationnels. Selon Gonzalez et Brun (2007), l’installation rapide d’un moyen alternatif de communication permet de préserver l’estime de soi. Par ailleurs, si le code alternatif choisi est trop peu explicite, apprendre un nouveau lexique demandera un temps considérable, ce qui est incompatible avec le besoin de restaurer des échanges rapidement. La nécessité de choisir un code direct et transparent est donc de nouveau démontrée (Gonzalez & Brun, 2007).

         Mettre en place un outil de CAA est à envisager dès l’hospitalisation pour maintenir le lien avec l’entourage

Rôle de l’orthophoniste

Pour Gonzalez et Brun (2007), la mise en place d’un outil de CAA s’inscrit dans une démarche palliative. Ce ne sont pas les troubles du langage (les symptômes) qui sont traités, mais les troubles de la communication (c’est-à-dire les conséquences). En premier lieu, l’orthophoniste se doit d’aider le patient et son entourage à faire le deuil de la communication orale antérieure à l’AVC, afin qu’ils puissent s’investir dans le projet de CAA. Nous sommes donc ici dans le cadre de la réadaptation (comment vivre avec la pathologie ?) et non dans celui de la rééducation au sens strict (qui vise à retrouver les capacités initiales du patient). Cependant, ainsi que le souligne Cataix-Negre (2011), l’orthophoniste peut rassurer l’entourage du patient car l’installation de moyens alternatifs n’a jamais ralenti ni empêché l’accès au langage oral. La parole reste toujours plus rapide et plus automatique que la CAA, et est forcément privilégiée, quand c’est possible, par la personne aphasique. La CAA est un simple « adjuvant », qui soulage le sujet aphasique de la frustration, du stress entraînés par son incapacité à se faire comprendre, et permet ainsi la facilitation de l’expression orale. Mettre en place un outil alternatif de communication ne signifie donc pas que la rééducation du langage est abandonnée. Elle pourra également faire l’objet d’une prise en charge orthophonique parallèle.

Ensuite, l’un des rôles de l’orthophoniste est d’évaluer les prérequis à l’installation d’un moyen de CAA, décrits par Cataix-Negre (2011) :

  • L’appétence à la communication,
  • La conscience des difficultés à communiquer (pas d’anosognosie),
  • La capacité d’associer un objet réel à une image et à un mot, permettant d’encoder une idée à communiquer en concepts présents sur un support de communication
  • Les capacités cognitives nécessaires pour utiliser l’outil de CAA (capacités mnésiques et de catégorisation par exemple),
  • Les capacités de pointage (notamment en cas de troubles moteurs et/ou d’apraxie),
  • La gestion des erreurs du patient (erreurs de désignation ou de choix par exemple) et de celles de l’interlocuteur (erreurs de compréhension), notamment grâce à la fiabilité du code oui/non, permettant de valider ou non le feedback du partenaire d’échange.

Enfin, selon Parent (1999), le projet de CAA se réalise en quatre étapes :

  • L’enquête auprès du patient, de son entourage et du personnel soignant (Parent, 1999). Il s’agit de déterminer quels sont les moyens de communication actuellement utilisés par la personne aphasique, et d’apprécier leur efficacité. Ainsi, l’orthophoniste peut adapter le contenu du moyen de communication aux besoins, aux centres d’intérêts et à l’environnement du patient.
  • La construction physique des aides, avec une mise en page claire, des images et/ou des pictogrammes organisés et rapidement accessibles. L’outil de CAA doit pouvoir être facilement modifié et enrichi.
  • L’introduction aux aides : l’orthophoniste présente le support de communication, mais doit aussi apprendre au patient à l’employer efficacement dans une conversation. Pour cela, Cataix-Negre (2011) préconise une prise en charge écologique, avec des mises en situation réelle hors du bureau de l’orthophoniste. Par ailleurs, l’orthophoniste veille à ce que les proches participent activement au travail d’apprentissage, car ce sont les interlocuteurs privilégiés de la personne aphasique.
  • Le suivi, qui permet de modifier régulièrement le contenu de l’outil de communication, en fonction de l’évolution des performances et des besoins du sujet aphasique. Le rôle des interlocuteurs étant également primordial, l’orthophoniste rencontre régulièrement l’entourage du patient afin de continuer à l’intégrer pleinement au projet.
                                   L’orthophoniste cherche le moyen de CAA le plus adapté avec le patient et sa famille

Rôle des interlocuteurs

L’interlocuteur du patient aphasique est tenu de participer activement à l’échange, car comme le soulignent Gonzalez et Brun (2007 : 259), « c’est à celui dont le cerveau est indemne de prendre en main l’interaction ». L’interlocuteur doit susciter les échanges (en particulier lorsque le patient aphasique est très conscient de ses difficultés) et encourager toute tentative de communication en se saisissant des moindres regards, gestes ou mimiques produits par le patient. Il guide l’interaction en posant des questions fermées, en apportant un feedback pour que le sujet aphasique sache s’il a été compris. L’interlocuteur peut utiliser lui-même le moyen de communication alternatif afin d’inciter la personne aphasique à se l’approprier. La formation à l’utilisation de l’outil de CAA est donc indispensable et concerne l’ensemble des personnes en contact avec le patient : son entourage mais aussi le personnel soignant.

                                                                   L’interlocuteur guide l’interaction

 

 

GONG est une application de communication pour les personnes ayant un trouble du langage, plus d’informations : ici

Ces rappels théoriques sont tirés du Mémoire : 
UNE COMMUNICATION ALTERNATIVE SUR TABLETTE TACTILE POUR LES PATIENTS APHASIQUES NON FLUENTS : ETUDE ET FAISABILITE”

Soutenu par Louise Lange en 2014/2015, École d’orthophonie de Tours -Université François Rabelais.

Cet article est un rappel du socle théorique de la formation en ligne :
“Approche écologique de la réadaptation du langage chez l’aphasique” 

Disponible : ici